La lettre d'Ines : Entretien en tête-à-tête avec Ines de la Fressange

La lettre d'Ines : Entretien en tête-à-tête avec Ines de la Fressange

Chez Roger Vivier, rue du Faubourg Saint-Honoré, en supplément de l’agréable vision de splendides paires de souliers et talons - qu’on meurt d’envie d’enfiler soit dit en passant - brocante, antiquité, design, le paysage est on ne peut plus surprenant. D’abord reçues dans une magnifique pièce argentée, nous nous sommes ensuite introduites dans l’agréable espace de travail, tout de rose vêtu, de l’élégante Ines de la Fressange pour papoter nouveauté : « La lettre d’Ines ». « Il n’y a pas de bois ici ? » (Toute rigolote, elle vadrouille dans la pièce à sa recherche).

Au commencement de sa newsletter, Ines croise les doigts pour ce projet qui lui tient à coeur et à travers lequel elle nous fait part de ses bonnes adresses, ses dernières trouvailles… C’est le guide, le billet d’humeur, de LA parisienne, la vraie.

Votre idée de départ pour créer " la lettre d'Ines " ?

Tout le temps on me demandait des adresses. Et, au bout d’un moment, je donnais souvent les mêmes adresses parce qu’ils me disaient " votre boutique favorite de bijoux "… À tel point qu’Armelle, qui est mon assistante depuis 35 ans, avait des listes toutes faites, comme ça, elle les imprimait directement. Mais il y a beaucoup d’adresses dans une ville comme Paris. Et puis, je suis curieuse, j'aime bien découvrir de nouveaux endroits, de nouveaux restos... Et alors, un site web, je me suis dit qu’il y en avait quand même beaucoup. Moi-même, il y en a plein que j’aime et je ne pense pas forcément à aller les voir. Il m’arrive d’acheter des choses sur internet même, et puis j’ai complètement oublié sur quel site. Donc, une newsletter c’était pas mal, parce que les gens n’ont pas besoin de venir me chercher, on est dans la boîte mail directement. Soit on me lit, soit on me met à la poubelle ou alors on choisit quand on veut lire… J’espère que je ne suis pas un spam (rires) !  

Je me suis dit qu’il fallait que j’envoie un mail comme j’enverrais à une copine. Aléatoire, parce que bon, je ne me sens pas obligée de parler de l’actualité. Et puis, je considère que si elles se sont inscrites, c’est que déjà ce sont des copines potentielles, ou des copains potentiels. C’est un peu ça l’idée. Mais il faut être un petit peu sérieux. Ça devient très interactif. Si on s’est planté sur un truc, ils nous le font savoir comme vous savez. Là par exemple, on a parlé de brosses qui sont super bien, et j’ai commencé à recevoir des messages " Je n’arrive pas à trouver les brosses. ". C’était un petit peu trop tôt ! Et l’autre jour, j’ai photographié un sweat-shirt à moi que j’adore. Mais justement, lui, je crois qu’il n’est plus en vente alors ça va être compliqué aussi. Je découvre petit à petit les avantages et les inconvénients !

Un réseau social ?

Instagram. Dans la mode c’est beaucoup instagram parce que c’est très visuel. J’ai l’impression que maintenant, twitter, c’est plus pour des informations précises sur la politique etc. En revanche, je ne vais pas trop sur Facebook. Ça, ce sont plus mes filles parce que bon, vous savez, c’est chronophage ces petites bêtes là.

Un endroit sympa pour se retrouver en amoureux ?

Alors là, dans les premières lettres, il y avait aussi bien L’Esquisse qui est à Montmartre (ce n’est pas hors de prix et puis Montmartre ça marche toujours quand on est amoureux), et puis il y avait Ratapoil. Paris, c’est quand même une ville géniale pour être en amoureux. L’idée de se balader dans Montmartre et tomber dans un endroit où les gens sont sympathiques, où c’est bon, pas hors de prix et pas forcément de se retrouver dans une usine à touristes où on a un croque-monsieur infecte, c'est pas mal.

Un plan copines ?

J’aime beaucoup Bread&Roses. Il y en a un rue Madame. C’était un papa connu de l’école de mes filles, il a vu que sa boulangerie allait fermer, ça l’a agacé et il s’est dit " Je vais racheter cette boulangerie pour qu’elle continue à exister. ". Il a mis quelques tables donc on pouvait déjeuner dans la boulangerie. J’ai vu un jour Laetitia Casta arrivée avec un pyjama et un manteau par dessus (c’était une bombe). Non mais vraiment sublime quoi, pas un poil de maquillage et tout ! Ça a tellement bien marché qu’il a arrêté de faire ce qu’il faisait et a ouvert un autre Bread&Roses, par miracle, à côté de mon bureau, là, rue Boissy d’Anglas ! Hop, il faut chercher : numéro de téléphone, fermé le dimanche… Maintenant je vais avoir ce réflexe ! Et donc, on peut déjeuner, on peut acheter de vrais plats de traiteur. C’est sain et bon, il y a des pâtisseries, il y a le MontBlanc que j’adore. Voilà une adresse ! Et entre copines c’est bien parce qu’on peut avaler qu’une salade.

Le plus d’Armelle : Il y a aussi un petit orchestre live tous les soirs !

Votre secret pour être toujours aussi jolie ?

(Très humble, Ines bondit et se regarde dans le miroir). Et bien j’ai photowonder qui est une application formidable (rires) ! Non mais moi vous savez, j’ai caché dans le placard de ma salle de bain tout un tas de petits laborantins qui me préparent du Revitalift (rires). J’ai l’air de vendre de la salade ! Mais quand il y a d’énormes laboratoires avec plein de gens qui travaillent dedans, il n’y a pas de miracle ! Et ce que j’aime bien c’est que ça coûte pas cher, on l’achète au Monoprix. Un jour, on m’a envoyé ici une crème, ça avait l’air pas mal. Et puis après, j’ai vu quelque part que ça coûtait 150 euros… OUH ! J’ai regardé ce truc avec beaucoup d’admiration. Je ne l’aurais pas achetée à 150 euros, je suis désolée ! Mais là au moins, cette Revitalift, elle n’est pas chère.

Donc, L’Oréal voilà. En premier, je mets quand même le sommeil. Il faut dormir, arrêter Instagram et Confidentielles à partir d’une certaine heure ! En fait, tout ce qu’on indique aux enfants c’est ce qui est bon pour nous. Alors, sommeil, L’Oréal, jus de carotte et ensuite dentiste, parce que je me suis aperçue qu’il y avait plein de femmes qui étaient maquillées, coiffées, sapées, avec les bijoux, la manucure impeccable, et puis là, quand elles nous font un sourire, on se dit « Elle n’a pas découvert la gouttière quoi ». On n’a pas besoin d’avoir un piano blanc comme des américaines. Mais les dents propres quoi ! Et je le répète à mes filles : si elles vont boire un café avec un fiancé potentiel, il ne va pas regarder la marque des chaussures, ni même la hauteur des talons. On rigole, on montre ses dents, on mange… Les dents, c’est ce qu’il y a de plus séduisant !

Vous êtes l’image et le symbole pour beaucoup de femmes, en France et à l’étranger, du chic parisien, de LA parisienne. Pour vous, qu'est-ce que la parisienne ?

Pendant très longtemps, j’étais un peu étonnée par ce terme. Et puis justement, quand j’ai fait le guide avec Sophie Gachet, on s’est aperçues que c’était quelque chose. Alors d’abord, de mélanger des vêtements chers et pas chers ensemble, d’être soignée mais pas forcément trop apprêtée… C’est un état d’esprit, d’être ouvert sur les nouveautés tout en gardant sa personnalité. Ça vous paraît complètement évident alors qu’aux États-Unis par exemple, quelqu’un qui peut s’acheter un truc de marque va tout acheter comme produits de marque. Si elle a les souliers justement Vivier, une veste Prada ou je ne sais quoi, son sac sera forcément Céline ! Alors que non, ça peut être un panier qui peut être très joli. Une parisienne peut aussi tout à fait s’arrêter au rayon garçon par exemple, pour le pull en cachemire rose soldé. Il ne va pas aller à votre Jules, on est d’accord ! En revanche sur soi, le soir avec une jolie paire de boucles d’oreilles ça peut faire l’affaire, même en oversize, «Nue sous son pull».

Alors parisienne, on a l’impression que c’est de Paris alors que c’est juste un état d’esprit. Je me souviens, il n’y a pas longtemps, une journaliste allemande était là. Je lui demandais depuis combien de temps elle habitait en France, elle m’a répondu 20 ans. Et après, quand elle m’a dit " Mais alors c’est quoi la parisienne ? ", je lui ai répondu " Bon, quand vous retournez à Düsseldorf, votre famille vous taquine un peu. Ils vous appellent la parisienne. ", " Mais comment vous savez ? ". Mais forcément, si vous êtes à Paris depuis 20 ans, vous êtes habillée différemment, coiffée, maquillée différemment. Je ne dis pas que c’est mieux ou moins bien (j’essaie d’être polie), mais c’est évident que vous êtes différente. Donc vous êtes parisienne, vous êtes devenue parisienne. Elle l’a pris comme un compliment et c’était un compliment. La parisienne est internationale.

On les dit pas aimables les parisiennes. D’accord ?

Ah non ! Ce sont des c*** qui disent ça.

La pièce dont vous ne vous sépareriez pour rien au monde ?

Aucun vêtement mais des souliers. Parce que, si vous perdez votre valise par exemple, vous pouvez aller piquer la chemise blanche du maître d’hôtel en l’accrochant avec un noeud ou en lui découpant le col, et en roulant les manches, ça ira. Ça m’est arrivé une fois dans ma vie. J’allais à Eden Roc, restaurant super chic, et il y avait un grand dîner pour Chanel. J’étais l’image de la maison Chanel ! J’arrive à Nice : plus de bagages. Tout le monde catastrophé, sauf moi. Je suis allée voir le directeur artistique - parce que je savais qu’il avait de belles chemises - et je lui en ai piqué une. Et puis, j’avais mon jean pour voyager, je suis allée voir Carole Bouquet qui était dans la chambre à côté qui m’a donné du shampoing, et en revanche, j’avais de jolis souliers. Donc, si on perd sa valise, on peut toujours trouver justement, un Uniqlo, un endroit où acheter des vêtements. Il y en a partout des vêtements bien maintenant, et pas chers ! En revanche, les souliers je trouve ça beaucoup plus dur, en dehors des espadrilles, baskets et à la rigueur sandales. Donc, s'il fallait tout jeter, je garderais une paire de ballerines vernies noires parce que ça va aller avec les jeans, avec les pantalons, avec les robes, le jour, le soir… Les vêtements perdent leur magie. Achetez un truc par exemple pour cet été, laissez-le dans le placard. Vous verrez qu’au moment où vous allez vouloir le mettre, vous aurez déjà moins envie.

Les fashion faux-pas ?

Dans la mode, on apprend à ne jamais dire jamais. Des bottes texanes avec des franges et des diamants dedans, ça paraît absurde. Mais il suffit que quelqu’un le fasse bien et joliment, et vous en aurez follement envie. Moi, je n’ai pas une passion pour les chaussures blanches par exemple. Il y a aussi des trucs de triche que je n’aime pas. Par exemple, la bretelle de soutien-gorge transparente, du genre " Mais non je n’ai pas de soutien-gorge ! ". Soit il vaut mieux avoir un soutien-gorge rose fushia et bien montrer la bretelle, soit trouver un bandeau (il y en a des très bien chez Princesse Tam-Tam). Donc, la bretelle transparente, non, ça ce n’est pas possible. C’est moche, c’est moche ! Aussi dans le maquillage, je n’aime pas trop quand on met des violets brillants sur les yeux, des verts, des bleus… Même quand on est maquilleur professionnel c’est difficile. Le contour des lèvres trop apparent aussi, un peu cagole, je ne crois pas que j’aimerais ça un jour. Bon, le faux sac machin… Si on a un faux sac Vuitton, c’est un peu difficile. En revanche, la babouche Vuitton, visiblement achetée à Marrakech, là ça devient drôle. Mais bon, on risque de se retrouver arrêté à l’aéroport donc on ne va peut-être pas encourager vos lectrices !

Vous avez l'air sûre de vous. Des conseils à donner à nos lectrices pour garder la tête haute en toutes circonstances ?

Sûre de moi ? Et bien je suis ravie de faire cet effet ! Parce que, comme tout le monde, je me dis " Je n’ai rien à me mettre, et comment je vais m’habiller ? Je vois les filles de Confidentielles aujourd’hui, elles vont trouver nul mon pull, mais je vais avoir froid si je ne le mets pas...". En revanche, je crois qu’il faut compter sur la bienveillance des gens. (Elle s'avance l'air pensive.) Au lieu de se dire " Qu’est-ce qu’elles vont penser de moi ? ", de se dire " Je suis contente de les rencontrer. ". La confiance en soi, ce n’est pas se dire " moi, moi, moi " et " je vais être épatante ". C’est de se dire " Je vais rencontrer des gens intéressants, je vais prendre le temps de les écouter ". Là c’est mal barré c’est un interview, c’est moi qui suis supposée parler (rires) ! Mais, en règle générale, au lieu de se dire " Est-ce qu’on m’aime ? ", de se dire " Qui j’aime ? ". Et surtout pas mentir quoi. D’être un peu sincère et honnête, ça aide. Je me souviens, quand j’avais 15-16 ans, j’avais la peau impeccable, j’étais toute mignonne et pourtant, je me sentais super mal. Je pensais que les gens allaient voir qu’il manquait à mon jean un centimètre. Je me maquillais beaucoup, je mettais plein de bijoux, j’en rajoutais… À un moment donné, il faut savoir ce que les gens regardent. Nous, dans la mode, on regarde exactement " Voilà, elle a des boots en daim… ". Mais la plupart des gens ne vous regarde pas comme ça.